S’organiser à plusieurs pour construire ou comment intégrer l’autre à son projet ?

Construire à plusieurs, c’est établir son projet avec les autres, ou au moins en anticipant les relations de voisinage qui vont suivre la construction.Des quartiers entiers se réalisent dans des villes européennes comme Tübingen, sur le mode de l’habitat participatif. La démarche concertée est alors une question de culture ; chacun choisit jusqu’où il veut tenir compte de l’autre dans son projet.

Pour faciliter un cadre de vie agréable et contribuer à la qualité de son quartier, chaque pétitionnaire peut faire entrer son voisinage dans son projet. Par l’échange, le projet peut être rendu moins coûteux, et surtout plus adapté aux besoins de chacun.

Dans cet article, on différenciera quatre niveaux de prise en compte de l’autre.

  1. Habitat participatif : les futurs habitants définissent ensemble un projet d’habitat où pourront se combiner des logements privatifs et des espaces communs.
  2. Mutualisation des coûts : les habitants se regroupent pour disposer de prestations à moindre coûts (conception par un architecte, prix réduits sur l’achat de matériaux, études de sol faites pour l’ensemble, …).
  3. Prise en compte du voisinage : le voisin est rencontré, pour organiser une mitoyenneté ou simplement s’assurer que le projet ne lui pose pas de problème (intimité, apport de lumière naturelle, esthétisme, …).
  4. Respect de principes généraux : parce-qu’il n’y a pas encore de voisins ou lorsque vous souhaitez penser votre projet surtout en fonction de vos envies, quelques principes peuvent être respectés pour pallier à la plupart des conflits de voisinage.

1-Habitat participatif

Les futurs habitants se réunissent, pour établir un projet partagé. À la différence d’un projet individuel, la coordination entre les participants est essentielle, et suppose une organisation claire et acceptée de tous.

Le cadre est alors méthodologique (rythme des réunions, façon de valider les décisions collectives, représentation du groupe auprès des professionnels, …) et juridique (forme choisie pour le groupement, contractualisation avec des concepteurs ou artisans, …).

Une fois cette organisation mise au point, le groupe traverse les étapes du projet en suivant les mêmes étapes que pour un pétitionnaire unique.

Le droit en mutation

Avant la loi ALUR du 24 mars 2014, l’habitat participatif n’avait pas de cadre juridique propre. Les projets ayant déjà vu le jour se sont appuyés sur les statuts juridiques existants dans le droit commun tel que les SCI (société civile immobilière), les SCIA (société civile immobilière d’attribution), l’indivision, la copropriété…

La loi ALUR a défini l’habitat participatif et a instauré les sociétés d’habitat participatif : la coopérative d’habitant et la société d’attribution et d’auto-promotion. Même si certains décrets d’application manquent encore, la loi donne un véritable statut à ces projets collectifs.

Le désir au cœur du projet

La démarche concertée est passionnante mais peut être chronophage. Afin de mener à terme le(s) projet des participants, un investissement personnel important, porté par un véritable désir de fabriquer un projet « sur mesure », est gage de réussite.

Le recours à un assistant à maîtrise d’ouvrage est alors utile pour déléguer la partie administrative et juridique du projet. Les participants peuvent alors se concentrer sur leur programme.

2-Mutualisation des coûts

Afin de baisser le coût d’un projet, il est possible d’établir une économie d’échelle en mutualisant des études ou le recours à un professionnel de la construction. À partir d’une vaste parcelle, qui fera l’objet de plusieurs projets, des études de sol ou des relevés topographiques peuvent être commandés à un seul professionnel.

La mutualisation des coûts implique que les participants trouvent un accord quant à l’organisation globale du site.Une rencontre préalable est préférable, ne serait-ce que pour sélectionner le(s) professionnel(s) qui réalisera les études mutualisées. De fait, le projet se fait à plusieurs, même s’il y a peu ou pas de compromis à trouver sur l’architecture de chaque logement. Éléments mutualisables : conception architecturale, étude de sol, terrassement, relevé topographique, achat de matériaux, réalisation de permis de construire et/ou d’un permis d’aménager.

Ajuster le parcellaire

En fonction de ses besoins, ou de ceux de sa famille, il peut y avoir un intérêt à découper le parcellaire de façon mesurée. Une parcelle trop grande à acheter ou à entretenir peut être conçue comme un surcoût inutile. À l’inverse, une surface trop étroite peut rendre impossible le projet d’une famille. À noter qu’un permis d’aménager1, préalable aux permis de construire2, est nécessaire pour établir la nouvelle division foncière, s’il y a création d’équipements publics (réseaux, voirie non privée, …). Sinon, une déclaration préalable est suffisante.

Un programme pour toute la famille

Par extension, chaque espace intérieur et extérieur de l’habitation gagne à être calibré par rapport à la façon de vivre de ses habitants. La formalisation d’un programme3, permettant à un architecte ou un constructeur de concevoir le bien souhaité, peut être un gage de qualité de vie par la suite.

3-Prise en compte du voisinage

Il est illusoire de penser qu’un projet particulier, même réduit, n’a pas d’impact sur son environnement. Rencontrer son voisin, lorsque cela est possible, permet de faire évoluer à la marge ses propres plans.L’implantation de la construction, d’espaces de terrasses, ou encore d’éléments de clôture sont autant de facteur de discorde s’ils ne sont pas pensés.

Trouver sa place dans la commune

Tout projet s’inscrit dans un site. À ce titre, la prise en compte des bâtiments voisins passe par la sobriété de l’architecture. Le choix des matériaux et des couleurs en façade, la forme du volume principal, peuvent transformer un projet discret en l’ovni du quartier. Trouver sa place signifie accepter de demeurer au même titre que les autres habitants, non de chercher un terrain pour s’isoler du monde extérieur.

Ambiance de quartier

Chaque habitation participe d’une certaine ambiance de quartier. Celle-ci sera ouverte, agréable, ou illustrera visiblement le chacun chez soi. Dans la limite de l’intimité nécessaire à chacun, le rapprochement des constructions et l’ouverture sur le reste du quartier ont des conséquences positives sur les rapports de voisinage. Des parcelles et des logements bien entretenus valorisent le quartier, et indirectement tous ses habitants.

4-Respect de principes généraux

Avant de commencer la réalisation de son projet, quelques problématiques peuvent être anticipées.

Le respect de l’intimité : les espaces de balcon, de terrasse, et les fenêtres à l’étage doivent être positionnés afin de limiter l’effet de vis-à-vis.

La lumière : votre projet gagne à tenir compte de la lumière naturelle dont vous pourriez priver votre voisin, dans ses pièces principales ou pour ses extérieurs.

Le bruit : le bruit est la nuisance de la vie quotidienne la plus mal supportée et la plus redoutée. Chacun doit veiller, de jour comme de nuit, à ne pas troubler la tranquillité de ses voisins par des bruits excessifs. Les nuisances sonores peuvent être des bruits de comportement : cris des animaux, musique, bricolage ou jardinage…

La taille des arbres : avant de planter, interrogez-vous sur la taille future de vos végétaux. Un retrait d’au moins deux mètres par rapport à la limite de propriété est obligatoire pour les plantations destinées à dépasser deux mètres de haut (retrait d’au moins 50 cm pour celles inférieurs à 2 mètres).

Les clôtures : le code civil (article 647, précisé par l’article 682) donne le droit à chacun de se clore. Toutefois, les documents d’urbanisme ou les règlements de lotissement peuvent préciser de quelles façons doivent être composées les clôtures.

Le mur mitoyen entre deux constructions : gagne à être doublé, pour des raisons énergétiques et acoustiques. La nécessité d’accord entre voisins en cas de travaux n’est alors plus un préalable. En l’absence de document d’urbanisme opposable sur votre commune, ce sont le code civil et le règlement national d’urbanisme qui s’appliquent. Rapprochez-vous de la mairie pour connaître les règles qui concernent votre parcelle, et déposez un certificat d’urbanisme4en amont pour geler celles-ci pendant 18 mois si nécessaire

Infos pratiques
Date : février 2019
Conception et réalisation : CAUE 25
Format : 16×24cm, 10 pages couleurs
Disponible gratuitement au CAUE 25

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