Conseil d'expert

Espaces largement minéralisés depuis les années 1970, les cimetières font aujourd’hui l’objet de nombreux enjeux sociaux, techniques et économiques en raison des changements de pratiques qui s’opèrent dans leur gestion. La loi Labbé interdit l’utilisation de produits phytosanitaires depuis le 1er janvier 2022.

Des solutions, basées sur une végétalisation adaptée aux types et contraintes d’espaces (inter-tombes, allées, chemins circulés…) existent et ont fait leurs preuves. De nombreux retours d’expériences de communes ayant osé passer le pas illustrent la réussite de cette méthode.

Une évolution d’aspect et d’entretien à travers le temps

Les cimetières français n’ont pas toujours été ces espaces gris et gravillonnés où le pissenlit est perçu comme signe d’abandon ou d’irrespect pour les défunts.

Du XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle

On observe un goût pour le fleurissement des tombes en pleine terre qui sont alors jardinées. Par exemple, la plantation de rosiers ou le dépôt de couronnes de fleurs sur les tombes se popularisent.

1950

L’industrialisation du mobilier funéraire permet le développement des sépultures en pierre pour toutes les classes sociales.

1960 - 1970 

L’arrivée de l’usage des pesticides entraîne une mutation de la gestion des espaces publics du cimetière avec une diminution de la présence du végétal au profit du minéral (allées en gravier ou en enrobé...).

1980

Le recours à la crémation se développe (représente environ 35% des obsèques actuellement).

2004

Le positionnement volontaire et précurseur de la ville de Versailles (78) dans la gestion de ses espaces publics en zérophyto fait office d’exemple concernant les approches environnementale et paysagère de son cimetière.

2017

L’adoption à l’échelle nationale d’une législation restreignant fortement l’usage des produits phytosanitaires (loi Labbé) est un point de bascule fort dans la manière d’entretenir les espaces publics des communes.

1er juillet 2022

L’utilisation des produits phytopharmaceutiques de synthèse (hors produits de biocontrôle, utilisables en agriculture biologique et à faible risque) est interdite dans, entre autres, les cimetières et les columbariums.

Une nécessaire adaptation de regardet de pratique

L’arrêt des produits phytosanitaires nécessite une remise en question des habitudes de gestion des cimetières en tenant compte des moyens humains et économiques des communes. En effet, exiger de conserver des espaces sans « herbes folles » est difficilement tenable sans augmenter considérablement les coûts d’entretien.

La posture « accueillir et accompagner » plutôt que « supprimer et invisibiliser », au-delà de son avantage économique global, offre de nouvelles perspectives par rapport à la cohabitation avec le végétal, et le vivant de manière générale, dans l’espace du cimetière. 

Le passage vers le « zéro pesticide » peut être l’occasion de reconsidérer le paysage du cimetière et les usages qui y sont associés. Ainsi, un changement de regard sur le végétal doit s’opérer pour tous, usagers et gestionnaires : les herbes spontanées ne sont pas sales. Elles participent au contraire à la qualité du lieu, pouvant, par leur installation progressive, faciliter l’entretien et faire le lien avec le paysage local.

La végétalisationdu cimetière

Plusieurs stratégies de végétalisation des espaces partagés du cimetière peuvent être adoptées :

  • L’acceptation de la flore spontanée et/ou l’enherbement maîtrisé : allées secondaires (entretien par la tonte), intertombes ou espaces non-circulés (fauche)...
  • La plantation de vivaces : intertombes (sédums, couvres-sols tels que géranium vivace, serpolet, alchémille, céraiste, corbeille d’argent...), massifs en bord d’allée ou en pied de mur...
  • La plantation d’arbustes et d’arbres : stationnements, périphérie du cimetière, le long des allées....
  • Le paillage (limite la pousse des adventices) : pieds de massifs...
  • L’imperméabilisation des petites zones difficiles à entretenir : intertombes étroits...
  • La réfection des surfaces minérales pour éviter les anfractuosités propices à l’installation d’herbes spontanées.
 

Habiter le cimetière autrement

Cimetière traversé

Le cimetière peut être appréhendé comme un élément constitutif de la trame publique que l’on traverse pour aller d’un point à un autre. Autrefois éloigné des habitations, aujourd’hui peu fréquenté, le cimetière a souvent été rattrapé par l’urbanisation permettant de lui adjoindre ce rôle de « lieu de traverse ».

Cimetière flâné

Véritables parcs publics, tels que celui du Père Lachaise, certains cimetières sont aménagés avec une attention paysagère forte, des espaces pour s’asseoir, se recueillir, discuter...

Cimetière bourdonnant

L’arrêt de l’usage des produits phytosanitaires et la végétalisation d’un cimetière est l’occasion de réinviter la petite faune (insectes, oiseaux...) à investir ce lieu.

Végétalisation des espaces privés du cimetière

L’intérieur des espaces d’inhumation est rarement végétalisé.
Des vivaces et arbustes pourraient être plantés lorsque cela est possible. La plantation en pleine terre reste toujours préférable aux pots (moins de déchets, pérennité, meilleure résistance à la sécheresse...). Ci-contre, une sépulture du cimetière d’Arnay-le-Duc dans laquelle a été plantée une Santoline à feuille de romarin, qui qualifie la tombe en apportant couleur, volume et parfum.

Quand les vivants s’emparent du cimetière

© Charlotte Rucki

Charlotte Rucki, étudiante en master au City Lab de l’École de Design Nantes Atlantique, a observé que la plupart des habitants contournent ce lieu de mémoire de façon délibérée et quotidienne. Selon elle, il est temps de révéler aux habitants que cet espace public, hors normes, porte une belle richesse à faire vivre collectivement.

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